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« C’est grâce à ou à cause du mental »


C‟est une explication rapide que l‟on entend souvent pour expliquer les échecs, les aléas et les réussites en compétition ou à l‟entraînement. Ainsi « parce que la performance est souvent une histoire de mental … Il faut entraîner mentalement les athlètes ». Pourquoi l‟opium fait-il dormir ? … parce qu‟il a une vertu dormitive ! Expliquer la vertu du mental en faisant référence uniquement au principe supposé de son action revient en fait à ne rien expliquer. Prendre ensemble « corps – esprit »

Paradoxalement, lorsqu‟on aborde aujourd’hui la question de « la gestion du "mental" en sport et dans d‟autres domaines comme le management, le coaching, … la question essentielle qui se pose actuellement est bien de savoir ce qu‟est le mental (Rialle &

, 1996 ; Esfeld, 2005). Comment expliquer que le « mental » – notion immatérielle par nature – est relié au monde physique, c'est-à-dire au corps physique et au cerveau physique en particulier ? Si nous voulons comprendre la relation « corps – esprit – monde » (Valéry, 1961 ; Bateson, 1977 ; Clark, 1997), nous avons besoin d‟une explication rendant réellement compte du lien entre les propriétés mentales et les propriétés physiques et de trouver alors un

e manière d‟inscrire le mental dans un cadre physiologique tout en en préservant son caractère distinctif et spécifique (Kim, 2006). La question qui est donc posée aux tenants de la « préparation du mental » est celle de la relation entre un état mental et sa correspondance avec un événement dans le monde physique.

Comment un esprit par nature immatériel peut-il avoir un effet dans le monde physique ? Au travers de questionnements recueillis lors de nos interventions en ce domaine, nous présenterons dans la suite de ce texte, différentes conceptions de la relation entre l'esprit, ou les processus mentaux, et les états ou processus corporels en évoquant : - la compréhension matérialiste des relations entre le cerveau et le mental qui argumente la thèse de l‟identité forte entre états mentaux et états physiologiques ; - la position « internaliste » et « fonctionnaliste » qui défend la thèse d‟une identité faible ou occasionnelle entre états mentaux et états cérébraux et qui est la position standard acceptée en psychologie que celle-ci soit clinique ou cognitive ; - l‟émergence de paradigmes alternatifs de la cognition/mental qui affirme une relation dynamique, un couplage opérationnel qui fait émerger, « énacter » des micro-identités.

Peut on faire un parallèle entre « préparation du physique » et « préparation du mental » ?

La similitude des dénominations « préparation physique – préparation mentale », voire la revendication de celle-ci, laisse à penser que la préparation mentale traite des états mentaux comme le préparateur physique traite de la force, de la vitesse, … mais sans disposer comme lui d‟une conception physiologique/biologique de leur fonctionnement et de leur développement.

Tout se passe comme si le cerveau considéré à l‟analogue d‟un organe biologique secrèterait la pensée comme la contraction musculaire secrète la force. Actuellement, il semble que ce pas soit franchi lorsque certains préparateurs mentaux s‟inspirent de modélisations « mécanicistes » sophistiquées - mais sans fondements réels - pour proposer ensuite de l‟entraîner à l‟aide de différentes techniques dites de « préparation du mental » et/ou « d‟entraînement du mental ».

Mettant les « habiletés mentales » au même plan que les qualités et habiletés motrices, les préparateurs du mental proposent de calquer un programme d‟entraînement méthodique du mental sur les principes organisateurs de « la méthodologie » de l‟entraînement. La controverse porte sur la tentative explicite ou naïve de « naturalisation » 1 du mental – i.e. de considérer le mental comme une matière physique/biologique – ce qui soulève un grand nombre de questions. L‟enjeu des tenants de la « naturalisation » pour expliquer les rapports entre le registre mental et le registre physique est de montrer que des énoncés faisant référence à des entités mentales peuvent être traduits en d‟autres énoncés qui ne font référence qu‟à des entités observables « matérielles ». C'est la théorie de l‟identité des états mentaux et Prendre ensemble « corps – esprit – monde » ?

3 cérébraux qui a précédé la vague fonctionnaliste que nous allons évoquer par la suite. L‟esprit ne peut exister sans substance (i.e. sans cerveau physique, sans corps physique) et la pensée est identique au fonctionnement du cerveau ou n‟est rien d‟autre que les processus neurophysiologiques qui s‟y déroulent : les événements mentaux pourraient être simplement des processus cérébraux. La compréhension matérialiste des relations entre le cerveau et le mental est proposée par Jean Pierre Changeux (1983) en émettant l‟hypothèse que « l'objet mental est identifié à l'état physique créé par l'entrée en activité électrique et chimique, corrélée et transitoire, d'une large population ou assemblée de neurones distribués au niveau de plusieurs aires corticales définies. Cette assemblée, qui se décrit mathématiquement par un graphe, est discrète, close et autonome, mais n'est pas homogène. Elle se compose de neurones possédant des singularités différentes qui ont été mises en place au cours du développement embryonnaire et post-natal. La carte d'identité de la représentation y est initialement déterminée par la mosaïque (graphe) des singularités et par l'état d'activité (nombre, fréquence des impulsions qui y circulent) ». Au vu des progrès que l'on a fait récemment dans la connaissance du cerveau à l‟aide des nouvelles technologies d‟imagerie (Imagerie par Résonance Magnétique Fonctionnelle, Tomographie d‟Emission de Positons, …) certains pensent - par la recherche des corrélats neuronaux de différentes formes de la pensée - être à même, dans un avenir proche, de comprendre comment est produite la pensée.


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